On est le 10 avril 2018 c’est le début du printemps la vie joue sa chanson d’amour
moi suis là aujourd’hui à Sèvres tout près de Paris
je vais jouer ce soir dans un théâtre c’est la Mariette qui est invitée
suis tellement heureuse de vivre et tellement triste aussi
mon pays massacré comme ça, ça ne ma va pas ça me va de moins en moins
j’aurais tant aimé que ce soit le contraire
chez moi y a de la vitalité chez moi c’est dans mon cœur
à cet endroit-là ça ne change pas ça palpite et ça rêve et ça grandit jour après jour, oui
c’est 2018 et je vois j’entends je sais que des gens résistent avec leur cœur
partout
c’est 2018 et on matraque à tour de bras toute personne qui s’exprime
celle-celui qui aide l’autre transi de froid en bord la route
celui-celle qui défend son outil de travail
celle qui dit moi je suis libre et je veux vivre libre
une liste à la Prévert on pourrait faire il y en a tant et tant
et en face de cette richesse
répression, autoritarisme
la parole est à la matraque à l’ordonnance au 49-3 à la violence institutionnelle
les forces de l’ordre au taquet quel désordre quel gâchis
de quel ordre parle-t-on
ce n’est pas l’ordre des choses ni le bon sens de frapper les enfants, les gens pacifiques, de détruire
le silence d’un lieu de vie
depuis hier, on détruit des refuges à Oiseaux à la Zad de Notre Dames des Landes
là-bas j’y étais avec mes ami-es Anaïs et Pierre il y a 15 jours précisément
j’y ai entendu des oiseaux, j’y ai mangé une belle assiette végétarienne savoureuse
j’y ai vu du partage
j’y ai vu le chantier de L’Ambassada, bois et paille et la dignité des constructeur-trices
j’y ai vu des tritons, des petits des plus gros, des femelles pleines
j’y ai parlé à un arbre
m’y suis allongée au soleil
j’y ai vu des gens des jeunes et des moins jeunes
capables de vivre sans confort, les pieds et les mains dans la boue
je les ai vu-es beaux, belles fatigué-es
la lutte la résistance sont épuisantes,
j’ai vu des cabanes, des gens qui se ressemblaient, rassemblé-es comme au bout du monde
un monde
des gens perdus aussi, qui là à cet endroit ont trouvé refuge
nous sommes dans un pays autoritaire qui ne respire plus qui s’auto mutile qui massacre ses enfants
ça s’appelle le pouvoir mais ce n’est qu’impuissance
quand on fait parler les fusils, les bombes c’est qu’on a perdu toute humanité
qu’au fond de soi on ne s’aime pas et qu’on ne le sait pas qu’on ne s’aime pas,
qu’on ne sème rien
l’argent le pouvoir les a rendu fou-folles
qui sont-ils donc pour donner des leçons de vie à coup de chiffres, eux qui laissent les gens mourir
dans la rue, qui chassent le pauvre, qui n’écoutent même plus l’oiseau chanter
parlons-en de l’argent
combien cette opération militaire de 2500 hommes caparaçonnés, blindés, camions, lachrymos,
engins de chantier… combien en monnaie sonnant et trébuchante, juste
cet argent on aurait pu en faire cadeau à la Zad, pour les remercier d’avoir tenu, d’avoir sauvé cette
terre, pour les aider à développer cette communauté, à vivre l’expérience
moi je remercie tous les résistant-es, ceux de Notre Dame, les cheminots, les cheminotes, les Cédric
les gens qui s’organisent partout …
là bas j’y ai vu l’inquiètude aussi
nous y avons lu des textes, chanté nos chansons
et comme ça résonnait dans les coeurs, les mots de Prévert et les nôtres aussi
nous avons rencontré Dodo, la belle et nous nous sommes fait du bien
nous avons embrassé ceux qui venait nous remercier d’être venu-es et partager l’essentiel
nos regards, nos sourires, un verre, une assiette…. l’instant présent.
Anne D
le 12 avril 2018

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