Il y a de plus en plus de chats bleus qui rôdent dans la campagne.

Dans la nouvelle société culturelle (institutionnelle, médiatique, bavarde, prétentieuse, injonctive, normative, pesante, arrogante, ludique, dérangeante, décalée, parisienne, bref insupportable), il n’y a plus place, en principe, que pour les conformistes, les conformes et les conformés. Mais des gens résistent. Ils pensent que la culture, c’est eux… Ce sont des bandes cachées dans les bois, des maisons du chat bleu dans le fond des hameaux, en Charente. Ailleurs le chat est gris, ou la souris est verte, la lampe allumée, la table mise. De toute façon, l’amitié est chaleureuse et la salle pleine… Les Garlopeaux, c’est une maison d’école dans un hameau. On s’organise, on fait de l’art, on fait surgir la parole sans demander la permission.

Ce que je vois ici, ce n’est pas seulement la qualité de la relation, l’exigence artistique, le « haut-niveau » culturel (pour parler comme les institutionnels). C’est, en action, le phénomène de réappropriation de la culture. On n’attend plus qu’on s’occupe de nous, qu’on nous dise ce qui est bien, on se cultive, on est cultivé.

J’aime ce refus partout qui sourd, se ramifie, se multiplie. J’aime, ici et dans cent, demain mille, lieux nouveaux en France une nouvelle culture qui s’autogénère. Qui ne tient pas compte des ordres d’en haut, des journaux, de la télé, des « conseillers » à la culture, des spécialistes. Ni de leurs modes, foucades, engouements, obsessions, clanismes.

Bref, une contre-culture. Moins foutaise et bidon que l’autre du même nom. Moins bavarde et protubérante. Plus à la place qu’il faut. Plus humaniste aussi ; plus humaniste surtout.

Jacques Bertin

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